1st Translator’s Note – Le désir de philosophie
Une exposition de
Mladen Bizumic
Du 8 mars au 12 avril 2008
S’inscrivant dans la poursuite du jeu entamé à la Biennale de Lyon en 2007 par la « rétrospective » de Zoo galerie curatée par Saâdane Afif, l’invitation faite à Mladen Bizumic -d’abord programmé par Afif pour compléter la décennie d’expositions à Zoo galerie- est aujourd’hui réitérée par Zoo galerie. Le jeune artiste, qui vit entre Berlin, Vienne et Auckland, pratique autant la vidéo que la musique, la photographie ou la sculpture dans un continuum de représentations explorant les relations entre lieux géographiques et états psychologiques, mémoire, donc subjectivité, et présent.
Les collaborations avec des musiciens, plasticiens, psychanalystes… qu’il génère au sein de son œuvre ouvrent les scénarios utilisés à la dimension plus intime de l’inconscient, révélant ainsi ce qu’il peut y avoir de plus humain dans l’humain.
Son projet des Seven Sister Cities of Berlin mêle à des interviews d’artistes des scénarios dont on ne sait quelle en est la part de pure fiction; propos retranscrit à la main, films réalisés dans la ville de l’interviewé mais focalisant sur un détail qui nous relie à l’histoire propre qui se dessine dans l’entretien. Pour Sister Cities of Berlin, Paris, Bizumic a filmé la rue depuis le hall d’immeuble de l’artiste avec lequel il s’entretenait, et les phares des voitures teintent le verre brouillé de la vitre au rythme des bruits parisiens.
Mladen Bizumic, dans sa mise en place de potentialités d’ouvertures entre le monde de l’art et la sphère du quotidien, dans sa recherche permanente de transversalité entre white cube et expérience personnelle, s’intéresse beaucoup à la question de la localisation/délocalisation. Il a d’ailleurs créé, en 2004, le projet d’une biennale des Fiji, dont il a édité le catalogue, repositionnant ainsi la Nouvelle Zélande au cente du réseau mondial de l’art contemporain. La dialectique de cette relation entre la culture occidentale et les joyaux du tourisme dans le pacifique Sud réactualise ainsi les rapports Nord-Sud, nature-culture, dominant-dominé à l’œuvre dans tout principe colonisateur. Il a depuis été invité dans de nombreuses biennales officielles, comme celles de Moscou, Busan, Lyon, Venise et Istanbul ces deux dernières années. Il présentera à Zoo galerie une toute nouvelle création.
Imaginez un espace pour lequel la notion d’échelle aurait disparu. Un espace qui unifierait l’impalpable à l’incommensurable, un espace qui ôterait tout sens au terme conclusion. Pensez cet espace sans topographie, cet espace qui se meut, s’étend et se transforme jusqu’à devenir autre chose, un ailleurs.
Un espace dans lequel le plafond de quelqu’un est le sol de quelqu’un d’autre. Où chaque objet est infiniment transformable. Un espace contenant un morceau de mur viennois du 18ème siècle prélude à la partition qu’il reste à écrire en Nouvelle-Zélande. Où les sons d’une rue stambouliote murmurent l’histoire qu’il reste à écrire à sa ville-jumelle qu’est Berlin. Où la traduction de l’anglais en français en anglais en français en anglais en français ne donne pas naissance à un nouveau texte mais à un nouvel esprit. Cette machine qui est comme un esprit qui traduit efficacement mais ne sait pas penser.
Un espace sans commencement ni fin, dans lequel seul le milieu existe.
L’espace de la galerie est aujourd’hui une projection de cet espace, mais aussi un espace de projection, à l’image de la pièce centrale de l’exposition, One person’s ceiling is other person’s floor. Ce white cube suspendu d’où émane une musique singulière est aussi l’écran de deux vidéos contenant l’essence des tentatives modernistes. La première, une animation déclinant les motifs numériques de la transformation in progress d’une photo du premier white cube construit dans l’hémisphère sud, entre Australie et Nouvelle-Zélande, se dissout dans la seconde, pure lumière blanche.
Du Love Will Tear Us Apart de Joy Division joué par un quartet de cordes au musicien de rue d’Istambul troublé par la dance music s’échappant des voitures autour de lui, comme de la photo à la fois simplfiée et complexifiée dont la trame est devenue vidéo, tout ici parle de traduction, de transmission. Ainsi, Sister Cities of Babel, le projet d’édition de Mladen Bizumic se décline-t-il d’ores et déjà sous forme de BAT et de posters à emporter avant d’être transformé en livre. Le texte principal, écrit par Adnan Yildiz, curateur stambouliote, sur la question du choc culturel, a été traduit à l’aide d’un logiciel, de son anglais originel en français, puis à nouveau en anglais, puis encore en français, et enfin en anglais, donnant, par delà la multitude de textes obtenus, à un intertexte, bien plus important que toutes ses transcriptions. Et l’intertextualité de nous mener à une certaine intemporalité, prenant la forme d’un gravas de mur composé de couches temporelles des diverses peintures et tapisseries l’ayant recouvert depuis sa construction, au 18ème siècle. Car ce morceau de mur (The space of time: 1790-Ongoing) pourrait tout aussi bien provenir de Zoogalerie, puisque le trou duquel il semble provenir fait partie de l’espace ici et maintenant, tout en dessinant une possible fuite dans le temps.